Biographie du champion d'échecs Boris Spassky
Né le 30 janvier 1937 à Léningrad (Russie/URSS), Spassky était sans conteste le plus doué et le plus précoce du lot des candidats 1965.
Champion du monde junior à dix-huit ans, il se qualifie dès l'année suivante pour le tournoi des candidats de 1956, et devient ainsi grand-maître à vingt ans.
Bien que son coup d'essai dans ce tournoi des Candidats ne lui permit pas d'accéder jusqu'à Botvinnik, l'opinion générale était que le jour où l'on passerait au cou de Spassky la couronne de lauriers des champions du monde n'était pas éloigné.
Puis, brusquement, on oublia Spassky. Deux phénomènes expliquent ce changement. Le premier phénomène s'appelle Mikhail Tal et son apparition fulgurante culminant dans sa victoire contre Botvinnik en 1960. A cette époque Tal monopolisait l'attention et les jeunes joueurs les plus talentueux d'Union soviétique paraissaient bien médiocres en comparaison. Mais le plus grave tenait dans le moral de Spassky, accablé, épuisé, « tué » par les défaites.
En 1958, le championnat d'U.R.S.S. tenait lieu de tournoi zonal, les quatre premiers étant qualifiés pour la suite du championnat du monde. La dernière ronde fut dramatique pour Spassky. Sa partie contre Tal revêtait une double importance car Tal devait gagner pour conserver son titre de champion d'U.R.S.S., et Spassky se devait de l'emporter pour être qualifié pour l'interzonal. Après quarante coups et cinq heures de jeu la partie fut ajournée. Boris Spassky raconte lui-même la suite dans une interview recueillie par Leonard Barden dans « Les 100 meilleures parties de Spassky ».
« La partie était ajournée et j'avais une bonne position ; mais j'étais très fatigué après les analyses et revins pour jouer le lendemain matin sans être rasé. Avant de jouer des parties importantes, j'ai l'habitude. de prendre un bain, de mettre une chemise et un costume impeccables, de paraître « comme il faut » (en français dans le texte). Mais cette fois-ci, j'avais analysé sans arrêt et arrivai devant l'échiquier l'air échevelé et fatigué. Puis je me conduisis en mule entêtée. Je me souviens que Tal m'offrit la nullité et que je refusai ; je sentis mes forces décliner et je perdis le fil de la partie. Ma position se détériora et je proposai la nullité que Tal refusa. Quand j'abandonnai il y eut un tonnerre d'applaudissements, mais j'étais hébété et comprenais à peine ce qui arrivait. J'étais sûr que le monde s'écroulait, qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas du tout. Après la partie j'allai dans la rue et pleurai comme un enfant. Je me souvins qu'en 1951, quand je perdis dans une simultanée à la pendule, c'était la dernière fois que j'avais pleuré et que je m'étais promis de ne plus jamais pleurer, mais après avoir perdu contre Tal je ne pus tenir ma parole ».
Trois années plus tard, dans le nouveau cycle de championnat du monde, les nerfs de Spassky craquèrent encore. Un match nul contre Stein à la dernière ronde de ce championnat d'U.R.S.S. lui aurait permis de terminer 4ème ex aequo et de disputer un match de barrage avec ce même Stein pour passer dans le tournoi interzonal. La partie fut ajournée dans une position supérieure pour Stein qui possédait un pion de plus. Alors que Stein était plongé dans ses analyses nocturnes pour trouver un moyen de mettre en valeur ce pion de plus, on frappa à la porte de sa chambre d'hôtel. C'était Spassky. «J'abandonne» fut sa première phrase. Par la suite Stein dut avouer qu'il n'avait pas trouvé la méthode de gain ! Alors les critiques ne manquèrent pas d'accabler Spassky, et rappelèrent ironiquement le vieux mot de Tartacover : «On n'a jamais gagné une partie en abandonnant ! ».
Spassky avait touché le fond de l'abîme et la fin de l'année 1961 le vit commencer une nouvelle ascension. Ce fut d'abord sa première et seule (Spassky n'y a pas participé souvent) victoire au championnat d'U.R.S.S.
Il sortit peu de son pays durant les deux années suivantes, jouant surtout des compétitions par équipe pour sa ville de Leningrad. Là où tout le monde attendait Spassky, c'était au Même championnat d'U.R.S.S., qualificatif pour l'interzonal. Allait-il vaincre le signe indien ou serait-il une fois encore victime de ses nerfs ? Ce serait une épreuve-test pour juger également des bienfaits de son nouvel entraîneur, le grand-maître Bondarevsky.
L'année précédente Spassky avait abandonné l'aide de Tolousch, son secondant depuis dix ans, et comme pour conjurer un mauvais sort, . . . de sa femme. Commentant son divorce, Spassky déclara : « Nous étions comme deux fous de couleur opposée ». Le partage de la première place de ce 31ème championnat d'U.R.S.S. lui donna cette place dans l'interzonal attendue depuis six ans. Que Stein le batte dans le match de barrage pour le titre n'avait plus d'importance La route vers le championnat du monde était désormais tracée.
Amsterdam fut le théâtre d'une bataille au couteau. Pour se qualifier les favoris devaient tenir bon contre la tête du tournoi et, surtout, ne pas faire de quartiers contre les mal-classés. D'autre part, un nouveau réglement stipulait que seulement trois des cinq soviétiques présents à Amsterdam pourraient participer aux matches des Candidats. Stein et Bronstein furent les victimes de ce marathon de 23 parties et échouèrent à cause de « petits » comme Quinones (Pérou) qui vinrent jouer les trouble-fête au cours de la dernière ronde C'est à Tiflis, en Georgie, que le dernier barrage se dressait devant Spassky.
Tal, bien qu'affaibli par la maladie représentait un danger plus grand que tout autre joueur au monde. Une attention de tous les instants était nécessaire sous peine d'être victime des combinaisons « magiques» dont Tal avait le secret.
L'idée de Spassky, un peu cynique, fut de faire durer ce match au maximum pour profiter, en fin de course, de la piètre condition physique de Tal. Mais comment, avec les Noirs, résister aux charges furieuses de Tal ? Bondarevsky et Spassky, après une longue étude du style de Tal arrivèrent à la conclusion qu'il faudrait soi-même attaquer. Pour cela ils sortirent du « musée » des ouvertures le gambit que Marshall avait mis au point dans les années 20 pour battre Capablanca. Spassky trouva une façon de modifier avantageusement la façon dont Marshall avait traité son 'invention. Les Noirs ne devaient pas s'obstiner dans une attaque directe sur le roi blanc mais jouer positionnellement. L'initiative durable ainsi obtenue compenserait largement le pion du gambit de Marshall.
Le stratagème réussit et les trois parties où le « Gambit Marshall » fut employé se soldèrent par trois nullités. Après les sept premières parties le score était toujours égal. Il ne restait plus que cinq parties pour faire la décision. Tal crut bon à ce moment de se lancer à l'attaque, pour en finir. Le jeu se compliqua terriblement, mais c'est Spassky, plus frais, qui sortait à son avantage de ce corps à corps tactique. Perdant ainsi la huitième partie, Tal s'obstina dans la suivante, se fit contrer, et perdit encore. N'ayant plus rien à perdre, Tal sacrifia un cavalier dans la sixième partie. Sacrifice une nouvelle fois incorrect que Spassky réfuta avec beaucoup de sang-froid.
Petrossian connaissait dorénavant son challenger : Boris Spassky.
Il fut champion du monde en 1969 en battant Tigran Petrossian. Il perdit son titre en 1972 face à Bobby Fischer, l'américain. Le match des 2 blocs, alors encore en pleine guerre froide, utilisant les échecs au lieu des armes. Ce qui finalement n'est pas plus mal, hormis pour le stress des 2 joueurs.
Spassky épousa ensuite une française et vint s'installer en France. Il continua à jouer (notamment dans l'équipe de France pour les Olympiades, espèce de championnat du monde par équipe) mais avec une certaine "paresse", c'est à dire ne vouant pas toute sa vie aux échecs comme l'on fait de bien nombreux champions, et préférant préserver sa vie de famille.
Extraits tirés du livre "La fabuleuse histoire des champions d'echecs", Nicolas Giffard
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